Pages

mardi 6 mars 2018

Next Step

Bonjour aux quelques rares lecteurs naufragés qui me suivent encore ici. J'annonce la fermeture de ce blog, si vous voulez continuez à me suivre à présent ça se passera ici :



Merci

Plume 

mercredi 23 août 2017

Glaciale



Sur une ligne ils marchent et de chaque côté d’eux c’est le vide absolu, l’épaisseur de la nuit et la moiteur terrible de leur liberté, glaciale. Oui, glaciale, la liberté. On nous l’avait vendu comme une chose ronde et bucolique, comme une promenade sucrée sans encombres et sans cailloux dans les chaussures, on nous avait dit que la liberté c’était comme ces choses magiques qui arrivent dans les films avec des étincelles et des jolis violons derrière. En fait, sur une ligne ils marchent et la chute les menace sans cesse. En fait c’est surtout faire l’effort de marcher sur cette ligne, droite, tellement inconfortable et tellement décidée, cet espace incroyablement étroit et précieux ou ils n’appartiennent à personne. Qu’à eux même.

C’est vrai qu’ils sont une minorité, quand on les croise on finit par remarquer que leur pieds sont posés à des endroits toujours très réfléchis et calculés. Pas vraiment à l’espace qu’on aimerait qu’ils occupent, pas vraiment des pieds obéissants aux maîtres, encore moins aux dieux, mais posés sur cette ligne, concentrés. C’est un drôle de choix et je sais que nombreux sont ceux qui ont préféré marcher à tous les endroits et pouvoir s’affaler, partout, sur le monde, confortablement. Moi aussi j’ai envie de croire que la liberté ressemble à de l’affalement, parfois. Pourtant quand je les observe je commence à comprendre. Sur une ligne ils marchent et de chaque côté d’eux c’est le vide absolu, l’épaisseur de la nuit, et la moiteur terrible de leur liberté : glaciale.

mardi 25 juillet 2017

Elasticité des espaces.



Je suis un homme passablement convaincu de ma mediocrité. Je crois toujours que je ne pourrais jamais faire mieux, que cette médiocrité est mon accomplissement, que mon paroxysme à moi équivaut à la norme d'un autre, que le meilleur que je puisse faire n'a jamais rien d'étonnant. Et puis un jour je me dépasse. Un jour je fais quelque chose d'un plus parfait ou d'un peu moins mauvais selon l'humeur. Pourtant je crois toujours que j'ai atteins le fond de ce que j'avais à offrir, puis je réalise la présence d'un double fond, voire d'un triple, je m'aperçois que ces choses là sont élastiques et qu'elles se tendent encore et se dilatent à l'infini.

Il m'arrive de croire que j'ai déjà tout vu. Je suis un homme passablement lassé par le spectacle de la vie, passablement bougon et poussant les soupirs d'un centenaire fatigué. Il m'arrive de penser que tout se ressemble, que la vie d'un homme n'est qu'un serpentin ennuyeux suivant quelques courbes exotiques tout au plus. Il m'arrive de penser que les villes ont toujours la même couleur de brique peinte et les forêts la même odeur de terre fongique. Et puis un jour je vois un âne sur un sentier, avec ses yeux infiniment humides sous ses bouquets de cils immenses.
Un jour je vois un âne et pourtant j'en ai vu des ânes, mais un jour je vois la complexité de son poil sec et poussiéreux, je respire son odeur de terre mouillée et je comprends que je n'ai jamais rien vu, que rien ne se ressemble, que je suis un homme passablement ingrat au début de sa route, porté par une terre complexe ou rien ne se répète. Un jour je réalise que je me suis trompé.

Et puis je crois souvent que j'ai déjà aimé. Je suis convaincu d'avoir fais le tour de la question et de ne plus pouvoir aimer plus fort, je sais pertinemment que j'ai atteints cent fois les sommets de mes capacités sentimentales. Je crois souvent que j'ai vidé mon coeur de l'avoir si souvent sollicité, je sais que j'en ai raclé les parois et que je l'ai sucé jusqu'à la moelle. J'ai cru que j'en avais définitivement terminé avec les états volcaniques, j'ai cru que mon âme avait déjà tout tremblé, tout pleuré, tout transpiré. J'ai cru que j'étais un homme qui avait consumé son quota d'incandescence, je m'étais résigné à regarder l'amour par le biais d'un rétroviseur, à conjuguer mes passions au passé composé et à m'en satisfaire. Et puis un jour j'ai senti l'incroyable élasticité de mon organe premier, dans ma poitrine les parois que je pensais raclées se sont écartelées dans un vacarme monstre, ce qui était aride est devenu charnu. L'organe palpitant s'est gonflé d'un seul bond, atteignant subitement le double de sa taille et me coupant le souffle du même coup. De mon âme toutes les fenêtres se sont ouvertes dans un grand courant d'air et mon ventre vibrait comme aux tous premiers jours, des larmes idiotes et incessantes me roulaient sur les joues et je riais, moqueur, à gorge déployée de me voir si sensible. Un feu sans précédent avait pris naissance entre mes côtes, ridiculement dévastateur, le début d'un incendie incontrôlable et qui allait durer. A l'endroit ou je ne voyais plus qu'un vaste terrain vague une jungle venait d'éclore, grouillantes de toute sa faune moite, sa flore chaude, tropicale. Tout ce qui était mort était en fait vivant, tout ce qui était petit s'avérait être immense, le vide devenait plein et de nouveau : Je m'étais trompé.

Je suis un homme passablement convaincu de ma médiocrité, et je suis un homme qui n'a de plaisir plus intense que celui de se tromper. Je réalise que je suis un homme, finalement, très attaché à ses erreurs.

Je suis un espace dont chaque organe est élastique, je suis un organe dont chaque espace est infini.


jeudi 15 juin 2017

La fureur ordinaire





Sa fureur ingérable me rassure au plus au point. Voir cet homme, sorti de ses gonds en les détruisant au passage, cet homme qui n'a aucun compte à rendre à la logique, qui ne doit absolument rien à l'organisation et aux classements, voir cet homme qui n'est que débordement et puissance ça me rassure au plus haut point. Constater enfin que la force, le spontané et la fureur, trop sauvages pour être complimentées dans notre système de rangements, de boîtes et de casiers sans oxygène, notre système de l'apoplexie qui aime dire "ranger" lorsqu'il veut dire "dissimuler", et qui aime parler d'ordre lorsqu'il veut parler d'esclavage, n'ont pas eu besoin de trahir leur maître pour le mener à son accomplissement. Cela en dit long sur bien des choses inavouables.
C'est à dire que toute ma vie je me suis sentie maladroite d'avoir autour du cœur des chiots balbutiant et innarêtables courant dans tous les sens, coupable de la façon dont me venaient les mots et les idées : Bondissant, sans ordre ni hiérarchie, sauvages, sans système ni méthode. Grandissant dans un monde qui poussait au classement de chaque chose et à l'annihilation de tout ce qui déborde, je me sentais peu à ma place jusqu'à ce que je rencontre les viscères scintillantes de l'homme et de son œuvre.

C'était devenu une évidence : ce qu'on avait passé l'éternité à me présenter comme une chose "à dompter", "à surveiller", à "contenir", à "refouler", à scinder en petits morceaux pour mieux les repartir et les enterrer, était en fait exactement la chose qu'il me fallait laisser jaillir, bondir, se répandre de toute sa faiblesse et tout dévorer de sa force. Cette chose que je ne pouvais ni planifier ni connaître et qui bien sur me dépassait, je comprenais subitement que mon devoir n'était pas de l'apprivoiser, mais de la libérer enfin de son harnais d'acier et d'observer la puissance de son envahissement. L'observer dans sa course légendaire aux quartes vents, la langue pendante et l'haleine fétide, le poil durci d'avoir passé sa vie ou plutôt sa mort entière dans les caves de la peur et les prisons de la raison. Quelle erreur que d'avoir écouté les paroles grasses et fortes des défenseurs du cerebral alors que depuis tout ce temps mon ventre, mes tripes, mes émotions intestinales n'ont pas arrêté un instant de pousser un cri bien plus fin et bien plus ingénieux, ne désespérant pas d'être enfin entendu. Quelle bêtise, et quelle soumission que de les avoir laissé donner plus d'importance au cortex de mon crâne plutôt qu'a celui, pourtant non mon complexe et grouillant de neurones, de mon ventre se languissant. 
J'aurai pu rester ainsi longtemps coincée dans mon ignorance et ma souffrance de ne pas écouter le bon organe, si je n'avais pas rencontré le vieil homme.

Il se tenait debout sans aucune prétention et l'on voyait à travers lui les innombrables couches transparentes et solides de celui qui ne cache rien. Le monde organique s'inclinait respectueusement sur son passage tandis que le monde social lui tournait le dos. L'homme se tenait complètement ouvert. Tripes et organes à la vue de tous, rage et fureur sortant de ses yeux, sa bouche et ses oreilles, il n'avait pas honte. Il ne cherchait pas à retenir aucune des monstruausités qui lui sortaient du ventre, ni à mettre en avant aucune des petites parcelles de lumière qui le traversaient. Il savait bien sur que chacune des ses forces avait sa propre intelligence et ses propres pouvoirs.
Son visage n'était déformé par aucun des sentiments que le monde avait tenté de lui enseigner : Aucune fierté, aucun regret, aucun manque de confiance lui froissant le menton, aucun égo déplacé lui relevant la tête. Il était, selon moi, l'homme qui avait accompli par l'intermédiaire du verbe, de la phrase et du feu, les progrès et les avancements les plus merveilleux et pourtant les plus simples qu'une âme humaine puisse accomplir durant sa petite existence.


Il avait trouvé dans les coins sombres de son ventre une bête colossale, ignoble et sublime, dont l'odeur putride avait fait fuir tous ses contemporains, et plutôt que de la fuir à son tour ou de masquer son existence comme la raison l'aurait voulu, il fit ce qu'il me semblait être l'acte le plus courageux qu'il soit : Il décida de lui faire confiance. C'est à dire qu'il n'écouta plus aucune des voix qui ne soit pas sortie directement du ventre de la bête, du ventre de son ventre. Il cessa enfin d'être l'enfant à qui on dit "tu ne dois pas", pour devenir l'enfant à qui on ne dit rien, et enfin s'accomplir en homme indicible, sans titre et sans harnais.

lundi 29 mai 2017

Le singulier contre la norme






Revenue d'une descente infinie au centre de sa Terre. Ayant creusé sa propre croûte terrestre, rencontré son noyau en fusion, ayant effleuré son propre magma et embrassé sa lave, la voilà revenue couverte d'une boue organique, presque couverte d'organes. Un souffle rauque l'accompagnant, paisible mais trop sauvage pour être poétique, elle chante un peu pour elle et un peu moins pour d'autres : Hmmmm hmmmm.  Fatiguée de tous les systèmes et nue de tous les mensonges qui l'encombraient jusqu'ici, la voila revenue, d'on ne sait vraiment où, allant plus loin encore. Hmmmm Hmmm. Fredonnant pour la mort et le corps qui balance. Je parle de la petite enfant que l'on voit juste là, recouverte de boue.

Un peu plus loin celle qui aimait toujours s'habiller comme un mec, et juste à côté d'elle ce type qui parle souvent tout seul en marmonnant des formules mathématiques indigestes. Revenus d'une descente infinie au centre de leur Terre, fredonnant cette petite chanson trop sauvage pour être poétique : Hmmm Hmmmm, Hmmmm.
A gauche derrière le bar de fortune, cette femme plus âgée qui ne trouve pas sa place parce qu'elle rêve de dragons et de chevaliers à un âge ou il paraît que ça ne se fait pas, mais son corps se balance et je la vois qui fredonne une chanson : Hmmmm Hmmmm Hmmm, revenue du centre de sa Terre.

Là-bas ce type aux yeux trop grands, l'artiste dont tout le monde se fout mais qui a de l'or dans les mains, trop incapable de mentir pour entrer dans les circuits vicieux de l'art, je vois qu'un sourire malin se dessine à ses lèvres, et le voilà qui ferme les yeux et fredonne la chanson. Hmmmm Hmmm Hmmmm. Revenus du centre de leurs Terre, dépouillés d'absolument tout, couverts d'une crasse indicible dont la vue et l'odeur les disqualifie d'office et les exclue d'un bon nombre d'endroits. C'est une crasse métaphorique que d'être recouvert de soi jusqu'au bout des ongles mais personne ne s'y trompe, et c'est qu'ils sont nombreux les gens que ça effraie. Revenir du centre de sa Terre c'est souvent les mains vides avec plus rien à vendre, c'est souvent translucide et du feu dans le ventre. Il faut dire qu'il y a peu de place pour les flammes et la transparence dans un monde qui se cache de sa propre démence. Mais je vois leur corps fredonner une parcelle de monde qu'on ne leur enlèvera pas, et je connais la force de ces corps recouverts de boue. Parce qu'il n'y a rien de plus beau et puis rien de plus noble que l'infini bataille du singulier contre la norme

mardi 2 mai 2017

Traversée




Cassiopea traversée par les vents traversée par l'ivresse. Insomnia par moments - insolente par miracle. Nous sommes evidemment les coureur de jupon de la fièvre, des volcans, de tout ce qui brûle et les enfants du vent - seulement quand il se travestie en tempête et tornade - évidemment.  
Cassiopea traversée par l'esprit farceur traversée par le saule pleureur, AH ! Nous ne sommes jamais satisfaits  tu as raison, nous voulons tout très fort et nous ne payerons pas l'addition, merci quand même - évidemment. 

Cassiopea ou le corps désireux de braise - ou le corps du Christ sur une chaise. 

Corps Eclatés ou la grande guerre contre le palpable, le tangible, ennemis jurés de la logique, fervents défenseurs de l'absurde, suceurs de sang du bien-pensant, AH !
Corps éclaté par endroits - éclairé par miracle. Corps tombant d'avoir trop marché, corps aimant d'être tant tombé. Cassiopea traversée par les vents, traversée par l'ivresse.

Cassiopea ou le corps désireux d'une intensité sans temps-mort. Cassiopea partie integrante d'une bande minscule et changeante de Corps Eclatés, une famille  sans jeu de cartes - sans jeu tout court - une tribu au cœur d'aveugle aux yeux de sourds. Corps éclatés ou l'âme chercheuse de paroxysmes, Corps éclatés au coeur du mécanisme.

Cassiopea travaillée par l'amour façonnée par l'intense, corps à genoux au pied d'un temple à demander sa dernière danse. Cassiopea ayant croisé le regard de l'âme-soeur sur une planète mauve creusée de braise et de sueur.
Cassiopea éclatée par endroits - éclairée par miracle.

dimanche 16 avril 2017

Laboratoire de l'insolence



C'est toujours dans des lieux en friche, des murs en béton qui s'éffritent sous des couches de peinture vandales. C'est toujours dans des squats ou dans la cour des miracles qu'on voit brûler la flamme des expérimentations dans l'éprouvette improvisée.

Ils portent des sweats à capuche et parfois un anneau d'acier à l'oreille, ils déambulent dans le laboratoire en ruines, à la recherche de la prochaine expérience à tenter, du prochain cri à pousser trop fort.

Au coeur d'un siècle d'une laideur incroyable ils questionnent la norme et le beau, fendus d'un espoir sans chaleur et d'une passion désintéressée. Ils font courir leurs doigts longilignes sur des synthé poussiéreux, le mégot d'une roulée accroché à leurs levres sèches, les yeux fermés et le coeur qui balance. Ca, c'est toujours dans des lieux en friche.
Ca me touche parce que leur désir du verbe faire est sauvage au plus haut point, sans aucune trace d'égo ou d'ascension, de la dévotion pure, sans colorants ni conservateurs.

Ils sont nés une année bissextile et ils bidouillent en bipolaire dans le labo de l'insolence. Ils cherchent à pousser des hurlements silencieux, à faire de la musique qui ne s'écoute pas, à inventer des mots qu'on ne peut pas dire. Alors ils font glisser l'archer d'un violon sur le manche d'une guitare, alors ils mangent avec les doigts, dessinent avec les pieds, jouent du piano avec les dents, provoquent des sons gigantesques avec des mouvements minuscules. Pour faire entrer deux mondes en collision : l'asphalte et le cosmos. Pour effleurer du bout des doigts les nébuleuses et les trous noirs.

Je vois des tigres bondir hors de leur ventre, des crocodiles la gueule ouverte. Je vois les murs qui tremblent et tout ça n'a tellement pas de sens que ça donne presque envie de pleurer d'une joie pure et froide, au coeur de ce siècle d'une laideur incroyable.